CHATHA / AÏCHA M'BAREK & HAFIZ DHAOU

Sacré Printemps!

cie Chatha/Aïcha M'Barek & Hafiz Dhaou/première/Danse

Première en Belgique de Sacré Printemps!, le 25 avril 2015!

Chorégraphes M'Barek et Dhaou imaginent leur nouveau projet Sacré Printemps ! à l’image de la Tunisie actuelle, celle qui cherche à écrire sa nouvelle constitution, celle qui cherche à réunir, à rassembler et à accorder toutes les sensibilités malgré les tonalités, les nuances différentes

Les chorégraphes tunisiens Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou, installés à Lyon depuis 2005, accueillis plusieurs fois au Toboggan et à la Maison de la danse, creusent un sillon singulier dans le paysage chorégraphique national et international. Leurs spectacles, nourris de leurs allers-retours France-Tunisie, offrent une danse influencée par leur imaginaire oriental et en même temps totalement ancrée dans le réel et une réflexion sur la société. Bien qu’ils vivent en France, les liens entre leurs créations et l’actualité politique tunisienne ne cessent de coïncider. Une influence qui alimente leur langage artistique, mais dont ils revendiquent une mise en perspective que seul le temps saura opérer. Il n’empêche : impossible pour eux de créer comme si la Révolution n’avait pas eu lieu et comme si de grands bouleversements n’étaient pas encore à l’oeuvre au sein du monde arabe. Ils imaginent leur nouveau projet Sacré Printemps ! à l’image de la Tunisie actuelle, celle qui cherche à écrire sa nouvelle constitution, celle qui cherche à réunir, à rassembler et à accorder toutes les sensibilités malgré les tonalités, les nuances différentes. Sept danseurs mettent leur talent au service de ce projet ambitieux et exaltant.

 Link spectacle à Lyon

Tout deux nés à Tunis, Aïcha M'Barek et Hafiz Dhaou créent ensemble depuis 1995. En 2005 ils fondent la compagnie CHATHA. Cet été ils sont en résidence chez Moussem où ils créeront la pièce Sacré Printemps!

Après avoir intégré le Conservatoire de Musique et Danse de Tunis, Aïcha rejoint Hafiz au sein du Sybel Ballet Théâtre. Ils participent notamment aux différents projets de Fadhel Jaziri, Samir Agrbi, NOUBA, HADHRA, NOUJOUM, SABA.

Avant d’effectuer un Master IUP Métier des Arts et de la Culture (Lyon 2), elle devient danseuse interprète dans Temps de feu, Cie Anouskan, chorégraphe Sophie Tabakov. La rencontre avec Fadhel Jaïbi à Tunis lors d’un stage marquera son parcours.

Tout deux tournent en 1995 pour la Cie Sybel Ballet au Théâtre en Tunisie et à l’étranger avec Chutt, Ikaa, Karakouz, Elexir, Sans Obscure, tout en se consacrant à des études cinématographiques au sein de l’Institut Maghrébin de Cinéma (IMC) à Tunis.

En 2000, Aîcha et Hafiz obtiennent une bourse de l’Institut Français de Coopération de Tunis et intègrent la formation de l’Ecole Supérieure du CNDC d’Angers. En 2001, Hafiz participe à la Chorégraphie de Inta Omri ; Aïcha imagine la chorégraphie du quatuor Essanaï (L’artisan). En 2002, elle crée le solo Le Télégramme, obtient mention Bien du jury du CNDC/Angers – il crée le solo Zenzena (le cachot). En 2003, Hafiz danse pour Abou Lagraa dans Cutting flat puis Où Transe Il intègre la formation EX.E.R.CE dirigée par Mathilde Monnier.

En 2004, tout deux créent le duo Khallini Aïch dans le cadre des Repérages Danse à Lille.

En 2005, Ils créent la compagnie CHATHA, réalisent deux duos, Les Cartes postales Chorégraphiques dans le cadre du projet « L’Art de la rencontre » conçu par Dominique HERVIEU ; la même année, Hafiz devient danseur associé au CCN de Caen sous la direction de Héla Fattoumi et Eric Lamoureux et participe à La Maddâ’a, Pièze (Unité de pression), La Danse de pièze et 1000 départs de muscles.

En 2006, ils créent ensemble leur première pièce de groupe, le quatuor Khaddem Hazem (les ouvriers du bassin), présenté à la Biennale de la Danse-Lyon 2006. Ils déposent leurs valises à Lyon. En 2008, invités une nouvelle fois à la Biennale de la Danse de Lyon, ils créent le quintet VU. En 2009, ils accompagnent un projet de formation et de « création projet » ; naît une pièce Mon corps est un pays, projet universitaire Franco-Tunisien impliquant pendant une année en aller-retour des étudiants de Grenoble et de Tunis.

En 2010, année étrange et particulière où le couple souhaite revenir sur son trajet, comprendre ses enjeux, ses gestuelles. Ils voyagent de plus en plus loin en Afrique, en Asie, au Moyen Orient, en Amérique du nord, entretiennent une correspondance à distance qui sera la matrice de kawa, le solo écrit à deux et interprété par Hafiz. KAWA, solo à deux, est soutenu essentiellement par Bonlieu scène Nationale d’Annecy. Ils participent au DEFILE 2010 de la Biennale de la danse de Lyon et créent Mon c(h)oeur qui bat, … avec 150 habitants de Décines-Meyzieu dans le cadre de leur résidence avec le CC Le Toboggan, Décines.

En 2011, invités par le Ballet de Lorraine au Centre chorégraphique national de Nancy sous la direction de Didier Deschamps, ils créent UN DES SENS pour 28 danseurs. En mai 2011, création de Do You Believe me? dans le cadre de Meeting point 6, événement pluridisciplinaire mêlant artistes performeurs et artistes visuel sous la direction artistique de Okwi Enwezor.

Le duo participe en 2011 et 2012 à la 10 ème et 11 ème édition des Rencontres Chorégraphiques de Carthage, en tant que directeur artistique. En 2011, création de KHARBGA – jeux de pouvoir, une pièce pour six danseurs. Cette pièce représente un virage dans le travail en tandem.

En 2012, Les francophonies en limousin leur donnent carte blanche et invitent 120 habitants à contribuer au grand accueil de Nous sommes là, projet chorégraphique participatif et déambulatoire dans la ville de Limoges. En 2012 et 2013, Aicha et Hafiz sont en résidence au Théâtre Louis Aragon de Tremblay-en-France. La première année, ils créent TRANSIT, un projet pluridisciplinaire qui repose sur l’imaginaire de leur grand voisin l’Aéroport Charles de Gaulle. S’appuyant sur des conférences, rencontres, performances, workshops, ils conçoivent une exposition. TRANSIT rend visible ceux qui fabriquent le voyage et qui, souvent restent au sol, sillonnent le tarmac. Dans l’élan de leur résidence, ils signent en 2013 la création d’un duo Toi et Moi présenté au Théâtre La Parenthèse-Avignon pour La belle Scène Saint Denis.

En 2014 ils s'inspirent d'une partition musicale pour leur nouvelle création Sacré Printemps!

Tournée Sacré Printemps!

  • Bonlieu, Scène Nationale d’Annecy 12 décembre 2014
  • Scène National de Mâcon 22 janvier 2015
  • Les Hivernales d’Avignon hors les mûrs 24 février 2015 à la Scène Nationale de Cavaillon
  • Le TARMAC - La Scène Internationale Francophone, Paris du 18 au 21 mars 2015
  • Théâtre Le Merlan - Scène Nationale, Marseille le 27 mars 2015
  • Les Rencontres Chorégraphiques de Tunis le 2 mai 2015
  • Théâtre des Deux Rives – Centre Dramatique National de Haute-Normandie du 19 au 21 mai 2015

Traduction de l'interview dans le Journal Moussem: 

Les choréographes Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou créent et dansent ensemble depuis 1995. Ils ont fondé en 2005 leur propre compagnie : CHATHA. Ils ont été invités à une résidence au Moussem Nomadisch Kunstencentrum pendant l’été 2014. Ils y ont travaillé à leur nouvelle création, Sacré Printemps!, dont la première aura lieu en novembre à Lyon.

Hafiz: “Quand Aïcha et moi travaillons ensemble sur une pièce, c’est un processus, une accumulation d’idées, d’expériences différentes qui convergent. Sacré Printemps! suit trois pièces qui ont beaucoup compté pour nous : Un des sens, une pièce pour 28 danseurs pour le Ballet de Lorraine, une deuxième pièce Jeux de pouvoir et enfin un duo, Toi et Moi. Nous sommes arrivés à un point de questionnement de notre langage chorégraphique. Nous avons développé avant la révolution en Tunisie un langage nous permettant de communiquer avec le public. Nous sommes aujourd’hui contraints de réécrire notre grammaire pour poursuivre notre dialogue avec le public.”

Aïcha: “L’évolution du contexte politique et social nous y oblige. La perception du public se modifie sous l’effet des récents bouleversements sociaux, et nous ne pouvons pas l’ignorer en tant que créateurs. Notre écriture est le produit de ce que nous voulons exprimer, mais elle doit sa conscience à notre public. Le public n’est plus passif. Les spectateurs prennent avec nous un engagement lorsqu’ils viennent voir un de nos spectacles et ils ont certaines attentes. Cela a un impact sur nous et sur notre travail. Notre œuvre n’évolue pas hors du temps, elle est soumise à un regard externe.”

Hafiz: “Nous nous attachons à construire des passerelles entre notre histoire et le public. En même temps, nous l’interrogeons, nous l’obligeons à se positionner, à faire un choix, à réagir, à prendre position pour ou contre, tout sauf rester indifférent. C’est pour nous un très délicat exercice d’équilibre. Cela implique aussi une maîtrise des codes sociaux.”

Aïcha: “Et ces codes sociaux n’ont rien d’universel. En dépit de notre bagage tunisien et notre bonne connaissance du contexte européen, nous n’échappons à certaines différences fondamentales. Les gens d’ici ne connaissent notre histoire que par le biais des médias, de leurs séjours de vacances, ce qu’ils entendent dire de la révolution. Ce qu’ils savent se réduit donc souvent à des clichés. Nous partons de ces clichés pour ne pas les décevoir, mais nous les poussons à bout, donnant ainsi forme à une autre image de notre culture.”

Hafiz: “Les sociétés ne peuvent pas se ressembler, mais ont bien en commun l’humain. Les rêves, les attentes, l’aspiration à vivre ensemble et toutes les difficultés que cela implique, le sentiment d’être isolé dans une société en rapide mutation qui ne tient pas compte de la fragilité des gens, des minorités, c’est quelque chose d’universel, à des degrés différents. L’élément commun est donc l’humain. C’est notre point de départ et via la danse, nous parvenons à faire passer des messages qui même parfois nous dépassent. La danse a la capacité de faire passer une émotion et c’est pour nous les prémices de chaque négociation : qu’est-ce qui est intime, qu’est-ce qui ne l’est pas, qu’est-ce qui intéresse les autres ? Que pouvons-nous y apporter ?”

  • Faut-il voir dans le titre de votre nouvelle pièce, Sacré Printemps!, une référence directe à la musique de Stravinsky et peut-être aussi à la célèbre chorégraphie de Pina Bausch?

Hafiz: “Nous nous servons des références, des codes à des œuvres pour mieux les bousculer. Ce qui nous intéresse ici, c’est la partition du Sacre du printemps, qui dépasse tout, et qui existera encore dans 300 ans.”

Aïcha: “Ça et surtout l’impact que cette œuvre a eu sur le monde artistique en général et la musique en particulier. Les conséquences de cette pièce nous fascinent en fait encore davantage que l’œuvre de Stravinsky.”

Hafiz: “Nous nous amusons aussi à détourner le titre de son œuvre, tout en ajoutant mentalement le mot ‘arabe’ à ce Sacré Printemps. Et le point d’exclamation, c’est notre questionnement sur ce sacré. Quand faisons-nous ? Nous nous posons la question, car nous savons que la révolution n’est pas terminée. Nous établissons donc des parallèles entre l’impact de l’œuvre originelle et notre propre réalité. Lorsque nous avons commencé à y travailler, on commençait en Tunisie a écrire la nouvelle constitution. Les opposants politiques devaient tout à coup s’entendre sur un texte qui, comme la partition de Stravinsky, survivra aux générations. Nous nous sommes donc demandé comment il était possible de fédérer tous ces égos, ces points de vue différents autour d’un seul projet visant à un progrès social ?
Nous avons cherché une réponse artistique sur fond de toile de ces évènements historiques. Nous nous sommes interrogés sur la manière de changer les choses de l’intérieur. Nous avons créé une réponse artistique à la même question. Nous avons fait écrire une nouvelle partition par des compositeurs aux bagages très divers : un venant de la scène rock occidentale, un du monde de la musique électronique et une diva de la scène tunisienne qui maîtrise le répertoire arabe classique. Nous avons donc travaillé avec des professionnels qui n’étaient pas voués à se rencontrer, les avons fait travailler ensemble sur une seule composition. Nous étions l’unique trait d’union entre ces divers univers musicaux. Et nous avons surtout dû trouver le moyen de rapprocher ces antipodes musicaux pour permettre aux danseurs de raconter une histoire.”

  • Vous travaillez en duo. Vos projets artistiques fusionnent donc une approche féminine et une approche masculine ?

Hafiz: “C’est une question intéressante ; nous n’y avons jamais vraiment réfléchi. On nous demande souvent comment fonctionne notre coopération, qui fait quoi. Mais c’est vrai que ce rapport homme-femme porte à la réflexion.”

Aïcha: “Je ne parlerais pas d’une approche féminine et d’une approche masculine. Je dirais plutôt qu’il s’agit d’Aïcha et Hafiz. Il y a parfois des choses très sensibles et qui semblent féminines mais qui sont des propositions d’Hafiz et à l’inverse, je peux aussi bien formuler des idées qui paraissent plus masculines. Nous sommes complémentaires, c’est certain, et nous nous nourrissons sans cesse mutuellement dans ce processus de création. Même dans notre duo Toi et Moi, dansé par un homme et une femme, il ne s’agit pas de genre, mais de deux personnalités. Nous rassemblons deux personnes autour du thème de l’intimité humaine. La lecture qu’en fait le public est naturellement une autre histoire.”

Hafiz: “Aïcha et moi travaillons ensemble depuis très longtemps et nous parlons d’une seule voix. Il n’est pas toujours facile de dire qui a dit ou fait quoi. Nous traçons notre voie ensemble et chacun de nous y contribue. Cela implique naturellement des différences de vue et des discussions, mais lorsque nous parvenons à nous convaincre mutuellement, nous savons que nous convaincrons aussi notre public.”

Aïcha: “Nous ne nous faisons certainement pas de cadeau. Nous nous connaissons si bien qu’il est impossible de mentir.”

Hafiz: “Nous ne pouvons en effet pas nous raconter des histoires et nous sommes très exigeants l’un à l’égard de l’autre. Nous ne sommes donc pas tant dans une relation homme-femme que dans une relation de complicité. Nous n’avons pas forcément la même approche, mais nous sommes toujours sur la même longueur d’ondes.”

Aïcha: “Une partie de la pièce sur laquelle nous travaillons actuellement parle de cette relation homme-femme. C’est la première fois que ce thème figure de manière si explicite dans notre travail créatif, mais la pièce l’impose. La relation homme-femme a ici toute sa place.”

  • Votre création s’inspire des mouvements sociaux qui agitent actuellement le monde arabe, mais aussi l’Europe. Le chorégraphe et le danseur ont-ils un rôle à tenir ?

Hafiz: “Aujourd’hui, les gens se forment un jugement presque entièrement sur ce que leur présentent les médias. Et que font ces médias, à part stigmatiser ? Il y a un manque criant de réflexion critique, de description du contexte. Mais surtout, les médias empêchent les échanges d’émotions réelles. Les gens ne sortent plus, restent collés à leur écran de télévision. Ils perdent ainsi le sens des choses simples, comme d’être ensemble. Personne n’a d’ailleurs plus de temps de souffler, de s’interroger sur ce qui se passe. C’est tout le contraire de ce qui se passe dans l’intimité d’une salle de théâtre, où on transmet encore de vraies émotions.”

Aïcha: “J’espère que nous parvenons au moins à donner une autre image du monde. À montrer que regarder des corps en mouvement peut favoriser l’écoute d’une voix intérieure. Car il y a une réelle émotion au cœur de nos mouvements.”

Hafiz: “La danse, le corps en tout cas, a la capacité de lever tous les doutes, toutes les tensions suscités par une société en évolution. Le langage du corps dépasse tous les slogans les plus grotesques. Le corps ne ment jamais.”

Aïcha: “Dans un article sur notre travail, une journaliste du quotidien français L’Humanité avait cité Pina Bausch: ‘Ce qui m’intéresse chez les gens ce n’est pas comment ils bougent mais ce qu’ils font bouger.’ J’ai été très touchée de cette citation en relation avec notre travail. Et je suis naturellement entièrement d’accord. Car c’est bien là l’enjeu : avoir une raison de danser sur scène, une vraie raison.”

de / avec

Création 2014 en résidence pour 5 danseurs, 1 chanteuse • Conception, chorégraphie : Aïcha M’Barek, Hafiz Dhaou • Création musicale : Sonia M’Barek, Eric Aldéa, Ivan Chiossone • Participation vocale : Sonia M’Barek • Création lumière : Xavier Lazarini • Production : Cie Chatha • Coproduction : Maison de la Danse - Lyon / Bonlieu Scène Nationale - Annecy / Mâcon Scène Nationale / CDC Les Hivernales - Avignon / Théâtre Louis Aragon - Scène conventionnée danse - Tremblay-en-France / Établissement Public du Parc et de la Grande Halle de La Villette - Paris / CCN de Caen Basse-Normandie / CDN Haute Normandie - Rouen / CCN de Créteil et du Val-de-Marne - Cie Käfig / Moussem Centre d'Arts Nomade.

Première en Belgique de Sacré Printemps!, le 25 avril 2015!

Chorégraphes M'Barek et Dhaou imaginent leur nouveau projet Sacré Printemps ! à l’image de la Tunisie actuelle, celle qui cherche à écrire sa nouvelle constitution, celle qui cherche à réunir, à rassembler et à accorder toutes les sensibilités malgré les tonalités, les nuances différentes

Les chorégraphes tunisiens Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou, installés à Lyon depuis 2005, accueillis plusieurs fois au Toboggan et à la Maison de la danse, creusent un sillon singulier dans le paysage chorégraphique national et international. Leurs spectacles, nourris de leurs allers-retours France-Tunisie, offrent une danse influencée par leur imaginaire oriental et en même temps totalement ancrée dans le réel et une réflexion sur la société. Bien qu’ils vivent en France, les liens entre leurs créations et l’actualité politique tunisienne ne cessent de coïncider. Une influence qui alimente leur langage artistique, mais dont ils revendiquent une mise en perspective que seul le temps saura opérer. Il n’empêche : impossible pour eux de créer comme si la Révolution n’avait pas eu lieu et comme si de grands bouleversements n’étaient pas encore à l’oeuvre au sein du monde arabe. Ils imaginent leur nouveau projet Sacré Printemps ! à l’image de la Tunisie actuelle, celle qui cherche à écrire sa nouvelle constitution, celle qui cherche à réunir, à rassembler et à accorder toutes les sensibilités malgré les tonalités, les nuances différentes. Sept danseurs mettent leur talent au service de ce projet ambitieux et exaltant.

 Link spectacle à Lyon

Tout deux nés à Tunis, Aïcha M'Barek et Hafiz Dhaou créent ensemble depuis 1995. En 2005 ils fondent la compagnie CHATHA. Cet été ils sont en résidence chez Moussem où ils créeront la pièce Sacré Printemps!

Après avoir intégré le Conservatoire de Musique et Danse de Tunis, Aïcha rejoint Hafiz au sein du Sybel Ballet Théâtre. Ils participent notamment aux différents projets de Fadhel Jaziri, Samir Agrbi, NOUBA, HADHRA, NOUJOUM, SABA.

Avant d’effectuer un Master IUP Métier des Arts et de la Culture (Lyon 2), elle devient danseuse interprète dans Temps de feu, Cie Anouskan, chorégraphe Sophie Tabakov. La rencontre avec Fadhel Jaïbi à Tunis lors d’un stage marquera son parcours.

Tout deux tournent en 1995 pour la Cie Sybel Ballet au Théâtre en Tunisie et à l’étranger avec Chutt, Ikaa, Karakouz, Elexir, Sans Obscure, tout en se consacrant à des études cinématographiques au sein de l’Institut Maghrébin de Cinéma (IMC) à Tunis.

En 2000, Aîcha et Hafiz obtiennent une bourse de l’Institut Français de Coopération de Tunis et intègrent la formation de l’Ecole Supérieure du CNDC d’Angers. En 2001, Hafiz participe à la Chorégraphie de Inta Omri ; Aïcha imagine la chorégraphie du quatuor Essanaï (L’artisan). En 2002, elle crée le solo Le Télégramme, obtient mention Bien du jury du CNDC/Angers – il crée le solo Zenzena (le cachot). En 2003, Hafiz danse pour Abou Lagraa dans Cutting flat puis Où Transe Il intègre la formation EX.E.R.CE dirigée par Mathilde Monnier.

En 2004, tout deux créent le duo Khallini Aïch dans le cadre des Repérages Danse à Lille.

En 2005, Ils créent la compagnie CHATHA, réalisent deux duos, Les Cartes postales Chorégraphiques dans le cadre du projet « L’Art de la rencontre » conçu par Dominique HERVIEU ; la même année, Hafiz devient danseur associé au CCN de Caen sous la direction de Héla Fattoumi et Eric Lamoureux et participe à La Maddâ’a, Pièze (Unité de pression), La Danse de pièze et 1000 départs de muscles.

En 2006, ils créent ensemble leur première pièce de groupe, le quatuor Khaddem Hazem (les ouvriers du bassin), présenté à la Biennale de la Danse-Lyon 2006. Ils déposent leurs valises à Lyon. En 2008, invités une nouvelle fois à la Biennale de la Danse de Lyon, ils créent le quintet VU. En 2009, ils accompagnent un projet de formation et de « création projet » ; naît une pièce Mon corps est un pays, projet universitaire Franco-Tunisien impliquant pendant une année en aller-retour des étudiants de Grenoble et de Tunis.

En 2010, année étrange et particulière où le couple souhaite revenir sur son trajet, comprendre ses enjeux, ses gestuelles. Ils voyagent de plus en plus loin en Afrique, en Asie, au Moyen Orient, en Amérique du nord, entretiennent une correspondance à distance qui sera la matrice de kawa, le solo écrit à deux et interprété par Hafiz. KAWA, solo à deux, est soutenu essentiellement par Bonlieu scène Nationale d’Annecy. Ils participent au DEFILE 2010 de la Biennale de la danse de Lyon et créent Mon c(h)oeur qui bat, … avec 150 habitants de Décines-Meyzieu dans le cadre de leur résidence avec le CC Le Toboggan, Décines.

En 2011, invités par le Ballet de Lorraine au Centre chorégraphique national de Nancy sous la direction de Didier Deschamps, ils créent UN DES SENS pour 28 danseurs. En mai 2011, création de Do You Believe me? dans le cadre de Meeting point 6, événement pluridisciplinaire mêlant artistes performeurs et artistes visuel sous la direction artistique de Okwi Enwezor.

Le duo participe en 2011 et 2012 à la 10 ème et 11 ème édition des Rencontres Chorégraphiques de Carthage, en tant que directeur artistique. En 2011, création de KHARBGA – jeux de pouvoir, une pièce pour six danseurs. Cette pièce représente un virage dans le travail en tandem.

En 2012, Les francophonies en limousin leur donnent carte blanche et invitent 120 habitants à contribuer au grand accueil de Nous sommes là, projet chorégraphique participatif et déambulatoire dans la ville de Limoges. En 2012 et 2013, Aicha et Hafiz sont en résidence au Théâtre Louis Aragon de Tremblay-en-France. La première année, ils créent TRANSIT, un projet pluridisciplinaire qui repose sur l’imaginaire de leur grand voisin l’Aéroport Charles de Gaulle. S’appuyant sur des conférences, rencontres, performances, workshops, ils conçoivent une exposition. TRANSIT rend visible ceux qui fabriquent le voyage et qui, souvent restent au sol, sillonnent le tarmac. Dans l’élan de leur résidence, ils signent en 2013 la création d’un duo Toi et Moi présenté au Théâtre La Parenthèse-Avignon pour La belle Scène Saint Denis.

En 2014 ils s'inspirent d'une partition musicale pour leur nouvelle création Sacré Printemps!

Tournée Sacré Printemps!

  • Bonlieu, Scène Nationale d’Annecy 12 décembre 2014
  • Scène National de Mâcon 22 janvier 2015
  • Les Hivernales d’Avignon hors les mûrs 24 février 2015 à la Scène Nationale de Cavaillon
  • Le TARMAC - La Scène Internationale Francophone, Paris du 18 au 21 mars 2015
  • Théâtre Le Merlan - Scène Nationale, Marseille le 27 mars 2015
  • Les Rencontres Chorégraphiques de Tunis le 2 mai 2015
  • Théâtre des Deux Rives – Centre Dramatique National de Haute-Normandie du 19 au 21 mai 2015

Traduction de l'interview dans le Journal Moussem: 

Les choréographes Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou créent et dansent ensemble depuis 1995. Ils ont fondé en 2005 leur propre compagnie : CHATHA. Ils ont été invités à une résidence au Moussem Nomadisch Kunstencentrum pendant l’été 2014. Ils y ont travaillé à leur nouvelle création, Sacré Printemps!, dont la première aura lieu en novembre à Lyon.

Hafiz: “Quand Aïcha et moi travaillons ensemble sur une pièce, c’est un processus, une accumulation d’idées, d’expériences différentes qui convergent. Sacré Printemps! suit trois pièces qui ont beaucoup compté pour nous : Un des sens, une pièce pour 28 danseurs pour le Ballet de Lorraine, une deuxième pièce Jeux de pouvoir et enfin un duo, Toi et Moi. Nous sommes arrivés à un point de questionnement de notre langage chorégraphique. Nous avons développé avant la révolution en Tunisie un langage nous permettant de communiquer avec le public. Nous sommes aujourd’hui contraints de réécrire notre grammaire pour poursuivre notre dialogue avec le public.”

Aïcha: “L’évolution du contexte politique et social nous y oblige. La perception du public se modifie sous l’effet des récents bouleversements sociaux, et nous ne pouvons pas l’ignorer en tant que créateurs. Notre écriture est le produit de ce que nous voulons exprimer, mais elle doit sa conscience à notre public. Le public n’est plus passif. Les spectateurs prennent avec nous un engagement lorsqu’ils viennent voir un de nos spectacles et ils ont certaines attentes. Cela a un impact sur nous et sur notre travail. Notre œuvre n’évolue pas hors du temps, elle est soumise à un regard externe.”

Hafiz: “Nous nous attachons à construire des passerelles entre notre histoire et le public. En même temps, nous l’interrogeons, nous l’obligeons à se positionner, à faire un choix, à réagir, à prendre position pour ou contre, tout sauf rester indifférent. C’est pour nous un très délicat exercice d’équilibre. Cela implique aussi une maîtrise des codes sociaux.”

Aïcha: “Et ces codes sociaux n’ont rien d’universel. En dépit de notre bagage tunisien et notre bonne connaissance du contexte européen, nous n’échappons à certaines différences fondamentales. Les gens d’ici ne connaissent notre histoire que par le biais des médias, de leurs séjours de vacances, ce qu’ils entendent dire de la révolution. Ce qu’ils savent se réduit donc souvent à des clichés. Nous partons de ces clichés pour ne pas les décevoir, mais nous les poussons à bout, donnant ainsi forme à une autre image de notre culture.”

Hafiz: “Les sociétés ne peuvent pas se ressembler, mais ont bien en commun l’humain. Les rêves, les attentes, l’aspiration à vivre ensemble et toutes les difficultés que cela implique, le sentiment d’être isolé dans une société en rapide mutation qui ne tient pas compte de la fragilité des gens, des minorités, c’est quelque chose d’universel, à des degrés différents. L’élément commun est donc l’humain. C’est notre point de départ et via la danse, nous parvenons à faire passer des messages qui même parfois nous dépassent. La danse a la capacité de faire passer une émotion et c’est pour nous les prémices de chaque négociation : qu’est-ce qui est intime, qu’est-ce qui ne l’est pas, qu’est-ce qui intéresse les autres ? Que pouvons-nous y apporter ?”

  • Faut-il voir dans le titre de votre nouvelle pièce, Sacré Printemps!, une référence directe à la musique de Stravinsky et peut-être aussi à la célèbre chorégraphie de Pina Bausch?

Hafiz: “Nous nous servons des références, des codes à des œuvres pour mieux les bousculer. Ce qui nous intéresse ici, c’est la partition du Sacre du printemps, qui dépasse tout, et qui existera encore dans 300 ans.”

Aïcha: “Ça et surtout l’impact que cette œuvre a eu sur le monde artistique en général et la musique en particulier. Les conséquences de cette pièce nous fascinent en fait encore davantage que l’œuvre de Stravinsky.”

Hafiz: “Nous nous amusons aussi à détourner le titre de son œuvre, tout en ajoutant mentalement le mot ‘arabe’ à ce Sacré Printemps. Et le point d’exclamation, c’est notre questionnement sur ce sacré. Quand faisons-nous ? Nous nous posons la question, car nous savons que la révolution n’est pas terminée. Nous établissons donc des parallèles entre l’impact de l’œuvre originelle et notre propre réalité. Lorsque nous avons commencé à y travailler, on commençait en Tunisie a écrire la nouvelle constitution. Les opposants politiques devaient tout à coup s’entendre sur un texte qui, comme la partition de Stravinsky, survivra aux générations. Nous nous sommes donc demandé comment il était possible de fédérer tous ces égos, ces points de vue différents autour d’un seul projet visant à un progrès social ?
Nous avons cherché une réponse artistique sur fond de toile de ces évènements historiques. Nous nous sommes interrogés sur la manière de changer les choses de l’intérieur. Nous avons créé une réponse artistique à la même question. Nous avons fait écrire une nouvelle partition par des compositeurs aux bagages très divers : un venant de la scène rock occidentale, un du monde de la musique électronique et une diva de la scène tunisienne qui maîtrise le répertoire arabe classique. Nous avons donc travaillé avec des professionnels qui n’étaient pas voués à se rencontrer, les avons fait travailler ensemble sur une seule composition. Nous étions l’unique trait d’union entre ces divers univers musicaux. Et nous avons surtout dû trouver le moyen de rapprocher ces antipodes musicaux pour permettre aux danseurs de raconter une histoire.”

  • Vous travaillez en duo. Vos projets artistiques fusionnent donc une approche féminine et une approche masculine ?

Hafiz: “C’est une question intéressante ; nous n’y avons jamais vraiment réfléchi. On nous demande souvent comment fonctionne notre coopération, qui fait quoi. Mais c’est vrai que ce rapport homme-femme porte à la réflexion.”

Aïcha: “Je ne parlerais pas d’une approche féminine et d’une approche masculine. Je dirais plutôt qu’il s’agit d’Aïcha et Hafiz. Il y a parfois des choses très sensibles et qui semblent féminines mais qui sont des propositions d’Hafiz et à l’inverse, je peux aussi bien formuler des idées qui paraissent plus masculines. Nous sommes complémentaires, c’est certain, et nous nous nourrissons sans cesse mutuellement dans ce processus de création. Même dans notre duo Toi et Moi, dansé par un homme et une femme, il ne s’agit pas de genre, mais de deux personnalités. Nous rassemblons deux personnes autour du thème de l’intimité humaine. La lecture qu’en fait le public est naturellement une autre histoire.”

Hafiz: “Aïcha et moi travaillons ensemble depuis très longtemps et nous parlons d’une seule voix. Il n’est pas toujours facile de dire qui a dit ou fait quoi. Nous traçons notre voie ensemble et chacun de nous y contribue. Cela implique naturellement des différences de vue et des discussions, mais lorsque nous parvenons à nous convaincre mutuellement, nous savons que nous convaincrons aussi notre public.”

Aïcha: “Nous ne nous faisons certainement pas de cadeau. Nous nous connaissons si bien qu’il est impossible de mentir.”

Hafiz: “Nous ne pouvons en effet pas nous raconter des histoires et nous sommes très exigeants l’un à l’égard de l’autre. Nous ne sommes donc pas tant dans une relation homme-femme que dans une relation de complicité. Nous n’avons pas forcément la même approche, mais nous sommes toujours sur la même longueur d’ondes.”

Aïcha: “Une partie de la pièce sur laquelle nous travaillons actuellement parle de cette relation homme-femme. C’est la première fois que ce thème figure de manière si explicite dans notre travail créatif, mais la pièce l’impose. La relation homme-femme a ici toute sa place.”

  • Votre création s’inspire des mouvements sociaux qui agitent actuellement le monde arabe, mais aussi l’Europe. Le chorégraphe et le danseur ont-ils un rôle à tenir ?

Hafiz: “Aujourd’hui, les gens se forment un jugement presque entièrement sur ce que leur présentent les médias. Et que font ces médias, à part stigmatiser ? Il y a un manque criant de réflexion critique, de description du contexte. Mais surtout, les médias empêchent les échanges d’émotions réelles. Les gens ne sortent plus, restent collés à leur écran de télévision. Ils perdent ainsi le sens des choses simples, comme d’être ensemble. Personne n’a d’ailleurs plus de temps de souffler, de s’interroger sur ce qui se passe. C’est tout le contraire de ce qui se passe dans l’intimité d’une salle de théâtre, où on transmet encore de vraies émotions.”

Aïcha: “J’espère que nous parvenons au moins à donner une autre image du monde. À montrer que regarder des corps en mouvement peut favoriser l’écoute d’une voix intérieure. Car il y a une réelle émotion au cœur de nos mouvements.”

Hafiz: “La danse, le corps en tout cas, a la capacité de lever tous les doutes, toutes les tensions suscités par une société en évolution. Le langage du corps dépasse tous les slogans les plus grotesques. Le corps ne ment jamais.”

Aïcha: “Dans un article sur notre travail, une journaliste du quotidien français L’Humanité avait cité Pina Bausch: ‘Ce qui m’intéresse chez les gens ce n’est pas comment ils bougent mais ce qu’ils font bouger.’ J’ai été très touchée de cette citation en relation avec notre travail. Et je suis naturellement entièrement d’accord. Car c’est bien là l’enjeu : avoir une raison de danser sur scène, une vraie raison.”

danse / une co-production moussem

05/11/14 - 20:30
maison de la danse - avenue Jean Mermoz 8, 69008 Lyon